L’antifragilité est un concept que j’ai découvert en lisant les ouvrages de Bernie Clark. Ce dernier explique que ce terme a été forgé par un philosophe et statisticien, Nassim Nicholas Taleb et désigne un état dans lequel une entité ou une personne tire parti du hasard, du stress et du désordre. Pour le transposer à la pratique du yoga notamment, cela signifie qu’une certaine dose de stress est susceptible de renforcer notre corps, voire notre esprit.
Tout, y compris nos corps, s’use avec le temps si on ne les entretient pas. Mais nous ne sommes pas des machines et notre corps a la possibilité de se renforcer, de mieux résister si on lui applique une certaine dose de stress.
Intuitivement, cela va à l’encontre de l’idée très répandue selon laquelle il faut éviter le stress, que celui-ci est nocif. En fait, tout dépend de ce qu’on appelle stress et tout dépend de la dose de stress que nous subissons.
Dans le contexte qui nous intéresse, le yoga, par stress il faut entendre stimulation.
Une petite dose de stress renforce, un forte dose fragilise. Au-delà d’un certain seuil de tolérance, le stress fragilise. Un stress trop fort appliqué sur un tendon ou un os va mener à la rupture. Bien entendu, ce seuil de tolérance varie d’un individu à un autre. Par ailleurs, la tolérance au stress décroît si le stress est continu. Toute la subtilité consiste donc à appliquer des doses de stress adaptées et répétées mais en ménageant des temps de repos afin de restaurer les tissus et d’augmenter leur tolérance, c’est à dire de passer d’un état fragile à un état antifragile.
Lorsqu’on pratique le yoga, un stress peut être une compression ou une tension qui s’exerce soit sur les muscles, soit encore sur les fascias, les tendons, les os, les cartilages etc.
Les études menées sur les astronautes démontrent que faute de stimulation adaptée, leurs os s’atrophient. C’est l’ostéoporose que connaissent hélas certaines personnes âgées. Les médecins savent également depuis longtemps que pour éviter qu’une articulation s’ankylose et ne deviennent chroniquement incapable de remplir sa fonction sans douleur, il faut la mobiliser, la stimuler.
Le meilleurs endroit pour recouvrer des forces n’est donc pas son canapé ou son lit ! C’est bien pour cela qu’on mobilise au plus tôt les personnes qui ont subi une intervention chirurgicale.
Tout ceci va clairement à contre courant de nos vies modernes, sédentaires où la recherche du confort est prioritaire. Le confort nous fragilise. On sait bien que pour les personnes atteintes de maladies cardio-vasculaires, il est nécessaire d’éviter la sédentarité car elle fragilise les artères et le cœur.
L’antifragilité, lorsque ce concept est bien compris, doit nous conduire à bouger, à stimuler nos muscles, nos articulations, nos tissus conjonctifs et par là-même notre esprit. Ce conseil est vrai à tout âge et d’autant plus vrai quand on prend de l’âge. C’est bien pour cela que je pense qu’il est indispensable de développer des cours de yoga pour les « seniors », pour les personnes qui n’ont jamais fait de sport ou n’en ont pas fait depuis longtemps, pour ceux qui ont des douleurs chroniques, ceux qui ont trop de poids etc. Il faut savoir se réconcilier avec son corps, savoir l’accepter, en accepter les limites et les fragilités, mais il faut aussi apprendre et accepter que ces limites et fragilités ne sont pas inéluctables et définitives. Le yin yoga notamment peut aider à devenir antifragile grâce à une pratique régulière et adaptée.